Lancement d’une banque éthique européenne
Lancement d’une banque éthique européenne
La première banque éthique alternative européenne verra le jour en 2010. Née de la fusion de la Nef (France), la Banca popolare etica (Italie) et Fiare (Espagne), cette banque adoptera le statut de coopérative européenne. L’enjeu est de doter le secteur de l’économie sociale et solidaire d’une institution bancaire dédiée à la demande grandissante d’une finance au service de l’Homme.
Le
projet d’une banque alternative européenne mûrissait depuis le
regroupement, en 2001, d’institutions financières au sein de la
Fédération européenne des banques éthiques et alternatives (FEBEA). Il
devrait aboutir en 2010 à la fusion de trois de ses membres – La Nef en
France, Banca Popolare Etica en Italie et Fiare dans le Pays basque
espagnol– au sein d’une nouvelle entité, la Banca Etica Europa, qui
prendra le statut de société coopérative européenne.
« Le
développement de la finance éthique nous impose de trouver des réponses
adaptées à des attentes toujours plus élevées de nos sociétaires »,
constate Fabio Salviato, PDG de la Banca popolare Etica. Des attentes
qui s’expriment tant du point de vue de la création et du développement
d’entreprises et associations investies dans l’environnement,
l’économie solidaire ou la solidarité internationale que de
l’aspiration grandissante à une épargne citoyenne.
La banque
transalpine affiche sur les trois dernières années un taux de
croissance de 20 à 30 % tant pour la collecte de l’épargne que pour
l’encours de crédit. Du côté de la Nef, l’octroi de prêts a décollé en
2008 (+ 27 %), tandis que l’épargne continue sur sa lancée avec une
collecte en hausse de 18 %. La fusion donnera naissance à une banque de
pleine exercice, bénéficiant de l’agrément bancaire de Banca etica. Un
changement de taille pour Fiare qui dispose du statut de fondation et
pour La Nef qui, faute d’agrément bancaire, confiait la gestion des
comptes de ses sociétaires au Crédit coopératif. La future banque sera
dotée d’un patrimoine de départ de 100 millions €, une épargne de 1,2
milliard € et 50000 sociétaires.
Grandir avec son éthique
Cette
fusion à l’échelon européen répond aussi au désir de ces banques
alternatives de réaffirmer leur rôle de promoteur face aux banques
conventionnelles qui développent départements et produits éthiques. « Notre
bilan représente un dix millième de celui de la BNP. Nous pouvons
représenter plus, mais notre impact doit aussi être qualitatif, comme
montrer qu’il est possible d’être transparent », explique Marc Favier, responsable des projets à La Nef*. « Les fondateurs de la finance éthique doivent rester les protagonistes d’un nouveau système financier », ajoute Fabio Salviato (cf. encadré).
Au-delà de la performance financière, c’est l’organisation de
la gouvernance de la banque qu’il faudra surveiller afin de savoir si
le défi est relevé. Banca Etica et La Nef sont déjà des coopératives
dont les sociétaires sont les clients. Mais l’expérience des grandes
banques coopératives françaises (Crédit Agricole, Banques
populaires...) qui sont aujourd’hui devenues des holding aux yeux rivés
sur la Bourse attestent de la difficulté à faire vivre ses principes de
démocratie économique dans un contexte concurrentiel.
La gouvernance
de la Banca Etica Europa devrait largement s’inspirer de l’expérience
italienne. La direction centrale y est soumise depuis sa création en
1995 à une forte décentralisation du pouvoir de décision vers les
groupes locaux de sociétaires. Une fondation dite culturelle se charge
d’entretenir la participation du sociétariat.
En 2008, un Manifeste a été élaboré conjointement dans les trois pays afin de sceller ces grands principes qui visent à « gérer l’épargne comme un bien commun »
au service de « l’économie réelle ». 2009 servira à affiner le mode de
gouvernance et préparer la bascule vers la nouvelle structure. Le siège
s’installera en Italie et un vice-président sera élu dans chaque pays.
Toute la difficulté est d’organiser cet « aller-retour
permanent pour définir la stratégie globale conduite par la direction
européenne en lien avec l’expression des attentes de la base »,
décrit Marc Favier. L’on sait déjà que la souscription de parts
sociales se fera sur la base du volontariat, ce qui laisse imaginer
deux catégories de clients : les épargnants citoyens désireux
d’épargner en conscience et les épargnants sociétaires désireux de
s’investir dans la vie coopérative.
La BEE devrait aussi jouer la
carte des services internet sur le mode des banques en ligne tout en
remettant au goût du jour le concept du banquier itinérant qui se
déplacera sur un territoire donné, à la rencontre des clients. « Nous serons une banque sans distance », sourit Marc Favier.
* La Nef publie chaque année l’intégralité des prêts octroyés, leurs montants et la nature de l’entreprise financée.
Philippe Chibani-Jacquot
voir aussi : Manifeste de la NEF