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Le Blog de l'Esterel
13 juillet 2010

Les veines ouvertes du géant indien - Arte


Les naxalites, ou quand Mao rencontre Gandhi

 

 

agoravox
Lire le journal indien ne donne pas vraiment envie d’aller se balader dans l’Orissa (Etat de l’Est de l’Inde). Entre une attaque de tigre, un motard qui se fait lyncher pour avoir écrasé une chèvre et un jeune d’une tribu qui tue sa tante à coups de hache en l’accusant d’être une sorcière, il y a de quoi hésiter à sortir des sentiers battus. Mais surtout, pas un jour ne s’écoule sans que l’Indian Express n’écrive un article sur ces extrémistes maoïstes qui terrorisent la région à coups d’attentats en tous genres et de meurtres de policiers. Un tel acharnement journalistique n’a pas manqué d’attiser ma curiosité sur cette bande de joyeux lurons.

 

 

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Parade naxalite légèrement retouchée

 

Née en mars 1967, quand les paysans du village de Naxalbari (Bengale-Occidental) ont saisi le riz d’un propriétaire terrien, la guérilla maoïste naxalite a retrouvé un second souffle ces dernières années et étend aujourd’hui ses activités dans 16 des 28 Etats indiens. Elle est même considérée comme "le plus grand défi pour la sécurité intérieure qu’ait jamais dû relever notre pays" par le premier ministre Manmohan Singh.

 

Comment expliquer la recrudescence de cette idéologie d’un autre siècle, comme aiment la qualifier les réfractaires à la prose du vieux Karl ? Qu’est-ce qui pousse un paysan indien à s’engager dans une guérilla ? Aux traditionnelles revendications de terres par des paysans expropriés ou exploités par des grands propriétaires (patati et Zapata) et aux ancestrales discriminations dont sont victimes les individus des basses castes, viennent désormais s’ajouter les effets pervers de la mondialisation. En effet, afin d’industrialiser le pays, les gouvernements encouragent la mise en place de Zones Economiques Spéciales, qui attirent les investisseurs locaux et étrangers grâce à des atouts considérables : les entreprises n’y paient aucun impôt et peuvent abolir la législation normale du pays en matière de droit du travail et de respect de l’environnement - un rêve pour tout entrepreneur. Certes, ces zones créent des emplois mais dans le même temps, les tribus voient leur habitat naturel partir en fumée et les paysans sont chassés de leurs terres. Des dizaines de milliers de paysans se suicident ainsi en Inde chaque année. D’autres préfèrent se consoler dans les bras de Mao.

 

Pourquoi s’engager dans la lutte armée quand on a la chance de vivre dans un des rares pays où l’on peut s’exprimer par les urnes, demanderait alors un être naïf tel que moi ? Hélas, la plus grande démocratie au monde est loin d’être la moins corrompue : les achats de voix seraient fréquents et des politiciens attiseraient les tensions communautaires pour asseoir leur pouvoir. De plus, dans de nombreux Etats, les gouvernements qui répriment les paysans et appuient les ZES sont de gauche et même parfois communistes, ce qui rend encore plus difficile de croire au changement par les urnes…

 

La guérilla naxalite ne cache pas ses ambitions de prendre le pouvoir dans l’ensemble du territoire indien, portée par la victoire des maoïstes au Népal. Forte de 10 000 à 20 000 combattants, armée par des artisans locaux et par ses attaques de policiers, financée par le bon vieil impôt révolutionnaire, auquel se plient les entreprises à proximité de ses maquis, elle projette désormais d’étendre son influence aux villes, en diffusant sa grisonnante propagande (oseront-ils sortir une nouvelle version du petit livre rose ?).

 

Evidemment, tout cela n’est pas du goût des gouvernements, qui expérimentent des opérations de contre-insurrection inspirées des tactiques américaines lors de la guerre du Vietnam : Dans le Chhattisgarh (Etat du centre de l’Inde), outre la création de milices antiguérilla, les autorités déplacent des dizaines de milliers de villageois dans des camps, dans le but de les empêcher de soutenir les guérilleros – et par la même occasion, d’accélérer l’implantation de projets industriels.

 

Le besoin d’industrialisation de l’Inde justifie-t-il le mépris des populations concernées ? Celles-ci ressentent ces projets comme une injustice car elles savent bien qu’elles ne bénéficieront pas des fruits de la croissance. Sans vouloir critiquer l’idéologie libérale qui sous-tend ces Zones Economiques Spéciales, j’aimerais juste faire remarquer que le progrès n’en est un que s’il est partagé. L’injustice nourrissant le naxalisme, plutôt que de le combattre par la force, les gouvernements seraient bien inspirés de s’attaquer à la source de ces injustices, en se mettant à l’écoute de la population rurale et en recherchant des solutions concertées entre les différents protagonistes. S’ils en sont incapables, je ne peux pas en vouloir à des gens qui réclament le droit de vivre dans la dignité.

 

Je ne peux pas non plus résister à l’envie de conclure mon exposé soporifique par une petite blague de très mauvais goût : Ce ne sont pas les naxalites qui ont la peau lisse aux fesses ; c’est la police qui a des laxatifs au cul…

 

par Don Gavroche De La Serna mardi 20 octobre 2009


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